La tempête de décembre 1999 aura pour conséquence un renouvellement prématuré du dernier aménagement (1989-2010) du massif de Rambouillet.

Le CERF, en tant qu’association d’étude et de protection de la nature bien implantée localement et ayant une bonne connaissance de ce massif, se doit de fournir des propositions sur le prochain aménagement, qui sera défini pour 15 ans.

Ces propositions sont issues de discussions au sein du groupe « Forêt » du CERF.

Contexte

L’aménagement forestier de 1989-2010

L’objectif de l’Office National des Forêts (ONF) pour Rambouillet était d’atteindre 95% de futaie régulière, sauf les Réserves Biologiques Domaniales (RBD) et les zones d’accueil du public, par la conversion du taillis sous futaie en futaie régulière.

Les essences

A Rambouillet, les principales essences exploitables sont :

-          pour les feuillus : le Chêne sessile sur les sols sableux et secs, le Chêne pédonculé sur les sols humides, le hêtre, l’alisier, le merisier et le frêne.

-          pour les résineux : le Pin sylvestre et le Pin laricio.

La futaie régulière ou équienne

En futaie régulière, les unités de gestion sont de grandes parcelles de 20 à 30 hectares. Sur une même parcelle, tous les arbres ont le même âge et sont de la même essence.

La futaie irrégulière

En futaie irrégulière, la forêt est gérée à une échelle inférieure. Elle peut l’être par parquets (parcelles de 3 à 5 hectares en moyenne, plus rarement inférieures à 3 ha jusqu’à 1 ha ou supérieures à 5 ha jusqu’à 10 ha) ou par bouquets (parcelles de 10 à 50 ares, exceptionnellement jusqu’à 1 ha). Dans une même parcelle, les arbres ont des âges différents et peuvent être d’essences variées.

En futaie jardinée, la récolte des individus se fait pied par pied. Le mélange des essences est possible.

Le taillis-sous-futaie ou mélange taillis-futaie est une combinaison de futaie et de taillis. Ce mode de traitement permet d’obtenir du bois de chauffage issu du taillis et du bois d’œuvre issu de la futaie. Il a l’avantage de rassembler au sein d’une même parcelle des arbres de tous âges et d’essences différentes. Ce traitement n’est plus en usage à Rambouillet et est converti progressivement en futaie régulière.

Propositions

Privilégier la protection du patrimoine biologique et l’accueil du public

Les objectifs du dernier aménagement étaient :

-          la production de bois de qualité,

-          l’accueil du public,

-          la protection du patrimoine biologique.

Dans un contexte péri-urbain, face à une pression foncière de plus en plus forte et à une demande légitime du public d’espace d’évasion en pleine nature, on peut se poser la question de la nécessité de conserver l’objectif de production de bois dans les forêts franciliennes et à Rambouillet en particulier. Du moins, la production sur l’ensemble des surfaces forestières ne se justifie plus.

Le CERF demande que le prochain aménagement forestier ait pour principaux objectifs la protection du patrimoine biologique et l’accueil du public.

Au moins 10 % du massif doit être géré écologiquement. Cette gestion pourra se faire à travers un réseau de réserves biologiques, par l’agrandissement de la surface actuelle des Réserves Biologiques Dirigées et par la création de Réserves Biologiques Intégrales.

 

Les objectifs de production pourraient être conservés dans les secteurs les plus éloignés des accès publics et ne comportant pas d’enjeux écologiques majeures ou paysagers.

Un rééquilibrage des modes de gestion

Selon le mode de gestion (futaie régulière ou irrégulière), la biodiversité ne sera pas la même. Ainsi au niveau de la parcelle (unité de 20 à 30 hectares), la biodiversité est plus faible en moyenne en futaie régulière qu’en futaie irrégulière ou jardinée. Mais à l’échelle d’un massif, les biodiversités entre les deux types de gestion auront tendance à se rapprocher.

Certaines espèces animales ou végétales ne seront présentes que dans les plus jeunes stades de la futaie régulière, qui se présentent alors sous forme de milieux ouverts (coupes à blanc) ou buissonnants (régénérations) sur de grandes surfaces. Même si ces espèces ne sont pas typiquement forestières, devant l’intensification de l’agriculture, elles trouvent en ces stades forestiers leurs dernières zones-refuges (Engoulevent d’Europe, Alouette lulu, Tarier pâtre, pour l’exemple des oiseaux).

Dans un grand massif comme celui de Rambouillet, la question peut se poser : ne peut-il pas se développer une diversité de modes de gestion plutôt que l’application d’un seul comme actuellement, en l’occurrence la futaie équienne ?

La proposition du CERF, sur le sujet, est l’introduction de futaie irrégulière (en parquets ou bouquets, en jardinage) et le maintien du taillis-sous-futaie, en insistant sur le mélange des essences, sur un tiers du massif, répartis sur son ensemble.

Il faudrait pouvoir observer tous les modes de gestion sur tous les types de sol. Compte-tenu que le chêne se prête peu au jardinage, il faudrait favoriser sa gestion en futaie irrégulière pour les sols les plus fertiles, afin d’obtenir des arbres exceptionnels.

Cette diversité des modes de gestion, répartie sur l’ensemble du massif, permettrait d’étudier le comportement des peuplements et de pouvoir comparer l’évolution et les coûts dans chaque cas.

Autre argument en faveur de la diversification : plus les modes de gestion sont variés, plus diminue le risque d’un échec général. Il est impossible de savoir quelle sera l’économie du bois dans 200 ans.

D’autre part, en diversifiant la forêt, on diminue les risques liés aux catastrophes climatiques.

Des bouquets de vieillissement et de sénescence

Certaines espèces animales (insectes notamment), végétales (certains lichens, mousses et algues) et fongiques ne vivent ou ne se développent que sur les très vieux arbres. La seule solution pour les favoriser est de mener certains arbres jusqu’à la surmaturité ou la sénescence. La surmaturité se situe au-delà de l’âge d’exploitabilité, c’est à dire pour un chêne, au delà de 2 siècles et jusqu’à 3 siècles, ce qui correspond à peu près à l’âge de sénescence. Un chêne peut aller jusqu’à cet âge sans aucun problème de perte de qualité.

Deux types de bouquets de vieillissement sont à envisager : ceux destinés à être menés jusqu’à la surmaturité et qui seront récoltés, et ceux qui seront destinés à aller jusqu’à la sénescence et la phase d’écroulement.

Ces deux types de bouquets, d’une superficie de quelques ares, doivent constituer, avec les Réserves Biologiques Intégrales et les Réserves Biologiques Dirigées, le maillage d’un réseau couvrant tout le massif. Ils ne doivent pas être éloignés les uns des autres de plus d’1 km, donc leur densité minimum doit être d’un bouquet tous les 100 hectares.

La proposition du CERF est l’installation d’au moins 140 bouquets de vieillissement ou de sénescence, à raison d’un tous les 100 hectares. Les bouquets de sénescence devront représenter au moins la moitié des bouquets.

Sur la base d’un hectare par bouquet, la surface globale occupée serait d’au moins 140 hectares.

Ces bouquets étant appelés à disparaître par récolte ou par écroulement naturel, ils doivent être remplacés par d’autres. Le renouvellement de 5 à 10 bouquets doit être envisagé à chaque aménagement, tous les 20 ans.

Du bois mort

Les arbres blessés ou morts servent de logement à divers animaux et de support à divers végétaux et fonges. Parallèlement aux bouquets de vieillissement donc, il est nécessaire de laisser du bois mort (sur pied et couché) à l’intérieur des parcelles.

VALLAURI ET AL. (2002, LE BOIS MORT, UN ATTRIBUT VITAL DE LA BIODIVERSITÉ DE LA FORÊT NATURELLE, UNE LACUNE DES FORÊTS GÉRÉES. W.W.F. 31 P.) PRÉCONISENT POUR LES FORÊTS GÉRÉES ENVIRON 15 M3/HA DE BOIS MORT, DONT 2 CHABLIS ET 2 VOLIS DE DIAMÈTRE > 40 CM PAR HA.

Les bois morts, de différents diamètres et d’essences variées, doivent être bien répartis. Les différents types de bois doivent être représentés : vieux arbres sénescents, chablis (arbre renversé au sol), volis (arbre cassé sur pied), chandelier (arbre entier mort sur pied), fragments de bois brut au sol, débris fins s’incorporant à l’humus.

La proposition du CERF est de conserver un volume de bois mort de 15 m3/ha dans l’ensemble des parcelles. Ce bois mort doit être représenté par différents types : chablis, volis, chandelier, etc.

A Rambouillet, cette proposition peut se mettre rapidement en œuvre en tirant notamment profit des nombreux chablis restant de la tempête de décembre 1999. Pour cette raison, le CERF demande que tous les chablis et volis restant soient conservés en l’état.

Une diversification des essences

Le cas du hêtre

Sur le massif de Rambouillet, le hêtre n’est pas une essence favorisée par les forestiers. Il a été souvent avancé qu’il n’avait pas sa place à Rambouillet, car il ne vient pas bien sur des stations où les précipitations annuelles sont inférieures à 700 mm par an. Pourtant l’espèce est indiquée sur Rambouillet dans un vieil aménagement du 19siècle.

Et on peut trouver aujourd’hui quelques beaux spécimens au milieu des parcelles et de belles régénérations naturelles. Sur Rambouillet, les brumes et brouillards complètent une humidité qui vaut largement celle de Picardie ou de Normandie.

Il lui est fait de nombreux reproches : mauvaise qualité, sensible au bleuissement, espèce dominante défavorable au chêne.

La mauvaise qualité des hêtres de Rambouillet tient au fait qu’ils sont généralement menés au delà de l’âge d’exploitabilité jusqu’à des diamètres de 100-110 cm. Les arbres sont trop vieux et présentent des défauts. Mais pour des diamètres inférieures (60-70), ils conservent toute leur qualité marchande.

Le bleuissement du hêtre n’est pas spécifique à Rambouillet. L’arbre doit être abattu hors sève, en hiver, et débardé rapidement avant le printemps, époque où commence le bleuissement. Les moyens techniques modernes le permettent.

Le hêtre peut effectivement supplanter le chêne mais uniquement sur les sols favorables, comme le plateau de Montfort par exemple. Mais il faut aussi prendre en compte que le hêtre est moins longévif que le chêne et disparaîtra avant lui. D’autre part, le chêne se régénère plus souvent que le hêtre : les bonnes glandées sont plus fréquentes que les bonnes faînées qui ne se produisent que tous les 12 à 20 ans.

Le CERF préconise un mélange de zones de chêne et de zones de hêtre, en tenant compte de la mosaïque des sols existant sur Rambouillet. Il faut arriver à une part de 10 à 15% de hêtre sur le massif, cette part pouvant monter jusqu’à 20% sur les zones les plus favorables (divisions 3, 5 à 8).

 

 

Les autres essences

Dans les zones résineuses, il faut faire confiance à la nature pour laisser s’installer les feuillus, le bouleau par exemple. Ce dernier a une courte vie mais produit beaucoup d’humus.

Les fruitiers, comme le merisier, sont des essences à favoriser dans les parcelles.

De manière générale, il faut conserver une part significative d’individus dominants d’essence autre que l’essence objectif.

Le CERF propose de mieux adapter les essences à la station et de conserver 10 à 20% d’individus dominants d’essence autre que l’essence objectif.

Des réserves intégrales

Les réserves intégrales sont un excellent laboratoire pour l’observation de la dynamique forestière. Les scientifiques et les forestiers peuvent en tirer de bons exemples sur les pratiques à venir sur les forêts gérées. Aucune réserve de ce type n’existe sur le massif de Rambouillet.

Une réserve intégrale doit être de surface suffisamment importante (50 hectares minimum) d’un seul tenant et être située à l’intérieur du massif, pour diminuer l’effet de lisière, et loin des voies de pénétration. Les activité humaines doivent y être interdites, à l’exception de la régulation du grand gibier et du suivi scientifique.

Les réserves à créer sur le massif de Rambouillet devront se situer sur des sites ayant des caractéristiques représentatives des milieux de plaine :

-          la chênaie pédonculée acide à molinie,

-          la chênaie-hêtraie atlantique sur limon,

-          la chênaie sessiliflore acidiphile.

Ces réserves devront être les éléments pivots d’un réseau d’îlots de vieux bois (îlots de vieillissement et de sénescence).

Le CERF propose de mettre en réserve intégrale au moins 5 % de la surface du massif.

 

Les espaces ouverts intraforestiers

Le massif comporte de nombreux espaces ouverts en son sein. La dynamique forestière fait que ces espaces sont amenés à disparaître si on ne fait rien.

Ils participent à la biodiversité et ont tendance à se fermer naturellement. Nous pouvons citer les landes, les plans d’eau et mares, les tourbières.

Les landes entraînent un coût de gestion important, car le bouleau est un médiocre bois de chauffage et il ne fait pas l’objet d’une demande. Les landes sèches sont des habitats de la directive européenne « Natura 2000 » et il faudra se préoccuper de leur maintien dans ce cadre-là.

Une mare présente différents intérêts en fonction de son âge. La tendance est au vieillissement et donc au comblement des mares et à l’absence de création de nouvelles mares. Un réseau de mares pourrait être créé en creusant 1 ou 2 mares tous les ans, réparties sur le massif.

Il faut également installer des prairies intra-forestières et de lisière attractives pour le gros gibier pour éviter les dégâts dans les régénérations. Des lisières peuvent être créées le long des routes forestières sans circulation. Ces voies pourraient constituer la base d’un réseau et relier entre eux différents milieux ouverts, permettant ainsi les échanges et d’éventuelles reconquêtes. Un gestion différenciée sera à prévoir le long de ces voies (fauchage alterné et tardif).

Il est important, à travers les Réserves Biologiques Dirigées, de protéger et maintenir en état les espaces les plus riches. Ces espaces protégés peuvent servir de zones refuges à de nombreuses espèces. Ils peuvent servir à la reconquête d’espaces pionniers à créer. Cette reconquête peut être facilitée pour le maintien d’un réseau d’espaces à divers stades d’évolution par recréation de nouveaux sites.

Le CERF propose que les espaces ouverts intraforestiers soient conservés, voire développés. Leur développement devra se faire en réseau en profitant des espaces existants et des voies forestières. La gestion des espaces d’intérêt national ou européen devra s’envisager dans le cadre des Réserves Biologiques Dirigées.

  

Les 9 propositions du CERF sur l’aménagement forestier du massif de Rambouillet

1-    Privilégier la protection du patrimoine biologique et l’accueil du public dans le prochain aménagement.

 

2-    Introduction de la futaie irrégulière (en parquets, bouquets et en jardinage) et maintien du taillis-sous-futaie, en insistant sur le mélange des essences, sur 5 à 10 % des séries de production du massif et répartis sur son ensemble.

 

3-    Installation de 140 bouquets de vieillissement et de sénescence, à raison d’un tous les 100 hectares.

4-    Conservation d’un volume de bois mort de 15 m3/ha dans l’ensemble des parcelles.

 

5-    Conservation en l’état de tous les chablis et volis restant de la tempête de décembre 1999.

 

6-    Adaptation des essences à la station et conservation de 10 à 20 % d’individus dominants d’essence autre que l’essence objectif.

 

7-    Mélange de zones de chêne et de zones de hêtre, avec une part de 10 à 15% de hêtre sur le massif, voire 20% sur les zones les plus favorables (divisions 3, 5 à 8).

 

8-    Mise en réserve intégrale d’au moins 5% de la surface du massif.

 

9-    Développement des espaces ouverts intraforestiers en réseau en profitant des espaces existants et des voies forestières. La gestion des espaces d’intérêt national ou européen devra s’envisager dans le cadre des Réserves Biologiques Dirigées.

 Pour toute correspondance : CERF - Centre Municipal des Loisirs -

50, rue du Muguet - 78120 Rambouillet - tél. : 06.71.24.75.21

dossier de presse propositions du CERF